Un texte signé Patrick Barras

Italie - 1979 - Mario Landi
Interprètes : Gianni Dei, Leonora Fani , Jeff Blynn, Mariangela Giordano

retrospective

Giallo A Venezia

Un jeune couple, Flavia ( Leonora Fani) et Fabio (Gianni Dei), est retrouvé mort au bord d’un des canaux de Venise, visiblement assassiné. Si le corps de Fabio porte la trace de nombreux coups d’une arme blanche, la mort de Flavia quant à elle apparaît comme plus énigmatique. L’inspecteur DePaul (Jeff Blynn), en charge de l’enquête, apprend que celle-ci a en fait été noyée avant d’être retirée de l’eau, et qu’elle a eu des relations sexuelles peu avant. C’est Marzia (Mariangela Giordano), une amie de Flavia, qui éclairera en partie DePaul sur la vie et les mœurs débridées du couple.

En découvrant GIALLO A VENEZIA, passablement inédit en France (mais néanmoins précédé d’une réputation un tantinet sulfureuse) on serait tenté, en tant que fan de giallo ayant déjà épuisé une bonne partie de ce que le genre pouvait offrir, de laisser échapper un filet de bave d’intense satisfaction béate. Le fait est qu’on ravalera assez vire ledit filet.

Réalisé en 1979, le film s’inscrit vraiment dans le processus de l’agonie d’un genre ; et là le corps commence sérieusement à sentir – simplement à force de vouloir trop en faire dans l’assemblage des ingrédients qui a pu et su nous séduire tant de fois auparavant ; et en oubliant l’essentiel : l’âme et et une atmosphère bien particulière.

GIALLO A VENEZIA se présente comme le plat d’un cuisinier bourrin où il y a trop de tout et dans des proportions mal gérées ; où il suinte le non respect du/des produit(s) – Concept à la mode, non ?… Lourdeur et manque de saveur sont donc les corollaires de la mixture.

Et pourtant : Un couple libéré qui cherche à s’épanouir dans la perversion – Un assassin ganté particulièrement sadique – Des partouzes organisées dans la bonne société par un petit malfrat – Du sexe et du gore bien crasseux… Le problème est que tout finit dans une grosse marmite sur le piano de Mario Landi, qui touille le tout avec une grosse cuiller à pot, sans grande finesse ni talent, alors que tout en restant dans l’exploitation pure et dure certains avant lui on pu faire montre de plus de subtilité.

Un manque de finesse particulièrement mis en lumière, de manière flagrante, dans un insert sur un gressin chatouillant une moule, lorsque qu’il s’agit pour Fabio de se mettre en peine de livrer à sa compagne le fond de sa pensée et ses envies les plus pressantes. Et ce sans une once de second degré.

Cependant, le parti-pris du scénario de baser la construction du film sur des flashes back ouvrant sur un montage parallèle entre les expériences du couple et l’enquête de DePaul aurait pu constituer l’intérêt du métrage… Si et seulement si les séquences érotiques mettant en scène les pratiques de nos deux tourtereaux torturés n’avaient pas été si longuettes, plates et convenues, finissant tout bonnement par faire passer le pauvre Fabio pour un benêt découvrant les classiques de la littérature érotique et s’appliquant à s’en inspirer ; un Sade pathétique au petit pied en définitive.

On se prend aussi à vraiment regretter que Landi ne s’applique pas à nous concocter une vraie atmosphère poisseuse, au lieu de passer son temps à la détendre avec les interventions caricaturales d’un DePaul goguenard et décontracté, semblant tout compte fait bien peu concerné dans ses investigations et affublé d’un gimmick ridicule le poussant à gober à intervalle régulier des œufs durs. On aurait aimé le type d’atmosphère telle que Lucio Fulci nous mitonnera un peu plus tard dans L’ÉVENTREUR DE NEW YORK. Film auquel certains pourront penser à coup sûr du fait de la présence d’un couple pervers, mais qui chez Fulci ne monopolisait pas l’intégralité du script, du fait également des quelques outrances gore qui parsèment GIALLO A VENEZIA.

C’est qu’il peut s’avérer difficile de ne pas le comparer avec ces œuvres qui ont pu nous marquer. Il suffit de se dire qu’une scène montrant complaisamment une investigation vaginale à l’aide d’une lame pour le moins imposante convoquera inévitablement, pour l’amateur, le MAIS QU’AVEZ-VOUS FAIT À SOLANGE de Massimo Dallamano, chez qui la gratuité se trouvait en partie évacuée par des éléments scénaristiques. Là ce n’est pas franchement le cas.

En ce qui concerne les qualités artistiques de la chose, on reste sur sa faim. GIALLO A VENEZIA est affublé d’une photographie crue qui finit par lui donner une esthétique de téléfilm ; et il est accompagné d’une musique oscillant entre musique d’ascenseur et thème principal de comédie musicale made in Brodway des plus pesantes. Pour ce qui est de l’interprétation, si l’on excepte Jeff Blynn, assez insupportable dans son personnage tout droit issu d’un mauvais épisode de Derrick, on retrouve avec une certaine curiosité quelques habitués de l’exploitation transalpine.

Au bout du compte on ne peut honnêtement pas déconseiller la vision du film ; mais on le regardera peut être comme on regarde passer un corbillard dont on sait qu’il transporte le corps d’un vieil ami, non sans une certaine émotion donc, une certaine nostalgie. Il constitue à coup sûr une vraie curiosité (entretenue par une certaine rareté, il est vrai). Alors ; à réserver aux aficionados ?…


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- Article rédigé par : Patrick Barras

- Ses films préférés : Il était une fois en Amérique, Apocalypse now, Affreux, sales et méchants, Suspiria, Massacre à la tronçonneuse


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