USA - 1976 - Alfred Sole
Titres alternatifs : Communion Sanglante, Communion
Interprètes : Linda Miller, Mildred Clinton, Paula E. Sheppard...

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À contre-courant : Alice Sweet Alice (Alfred Sole)

La régularité avec laquelle les meurtres sauvages se succèdent durant Alice Sweet Alice fait du film d’Alfred Sole un pionnier du Slasher, genre qui déferla sur les écrans à la fin des années 70. Cependant, l’aspect psychologie est beaucoup plus développé que dans la plupart des films du genre.

Le mélange d’horreur, de thriller et de mystère qui imprègne la pellicule d’Alice Sweet Alice évoque, quant à lui, des œuvres comme Sous l’emprise du démon de Roy Boulting dans lequel Hywel Bennett interprétait un jeune homme à la personnalité troublée se prenant parfois pour un gamin de 6 ans.

Mais l’oeuvre à laquelle le film d’Alfred Sole est la plus proche est l’excellent Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg. Difficile en effet de ne pas voir les points communs entre les deux films, comme le couple déchiré au centre des deux métrages ou, bien sûr, cet assassin de petite taille portant un ciré… rouge dans le film de Roeg, jaune dans celui d’Alfred Sole.

N’allez pas croire pour autant qu’Alice Sweet Alice ne fait que piquer à droite et à gauche…

Tragédie familiale

À contre-courant : Alice Sweet Alice (Alfred Sole)
À contre-courant : Alice Sweet Alice (Alfred Sole)

La petite Karen est assassinée à l’église juste avant sa communion. Les soupçons se portent sur la sœur, Alice, âgée de douze ans seulement, mais qui souffre d’une réputation peu enviable… En effet, Alice est dotée d’un caractère plutôt difficile. Dans le même temps, Alice subit un traitement injuste de sa mère… Est-ce cependant suffisant pour faire d’Alice une coupable toute désignée ?

Certes, la photographie superbe met magnifiquement en valeur les environnements où se déroule le film, de l’usine désaffectée à la cage d’escalier de l’immeuble de la famille Spages.

En effet, le scénario fascine du début à la fin et surprend continuellement avec certains meurtres brutaux.

La révélation de l’identité de l’assassin trente minutes avant la fin du métrage est également étonnante. Elle permet même au film de prendre une nouvelle profondeur.

La musique, étrange, sied également et parfaitement à l’atmosphère du film, générant une inquiétude de chaque instant…

Le film est riche en qualités. Mais il y a un domaine dans lequel il est exemplaire, qu’on ne voit pas forcément et qui mérite d’être mis en avant : la subtilité de sa critique, acerbe tout en étant modérée…

Fredonnez la musique du film

Alice Sweet Alice (1976) Main Theme

Communication non-violente

La carrière d’Alfred Sole débute en 1972 avec un film pornographique… Deep Sleep lui vaut les foudres de l’Église catholique qui le répudie et l’excommunie.

Quatre années plus tard, il règle ses comptes avec Alice, Sweet Alice.

En temps normal, dans un film, régler ses comptes en bonne et due forme avec la communauté chrétienne passe par :

  • un prêtre pédophile
  • des adultes bigots castrateurs
  • un psychopathe redresseur de tort respectant à la lettre les évangiles.

Alfred Solde adoptera une autre solution.

Une critique toute en finesse dans un contexte hystérique

À contre-courant : Alice Sweet Alice (Alfred Sole)
À contre-courant : Alice Sweet Alice (Alfred Sole)

Le prêtre semble effectivement bien aimer les enfants, mais il se tient. D’ailleurs, il est l’un de seuls adultes à essayer de comprendre et d’aider Alice.

La maman, catholique pratiquante, montre une nette préférence pour sa fille aînée. Mais c’est avant tout une mère débordée élevant seule deux enfants dans des conditions peu enviables.

Pour essayer de tenir ses deux enfants, elle est aidée par sa sœur : une mégère a-bo-mi-nable et in-sup-por-ta-ble. La harpie s’incruste et s’impose constamment dans la vie de sa sœur. Il n’empêche qu’on a tout de même de la peine pour elle, car elle tente de combler une vie ennuyeuse à mourir… Quoi qu’il en soit, Alfred Sole n’a franchement pas besoin de nous expliquer pourquoi le mari est parti. On devine aisément la raison de son départ.

Ainsi, plutôt que de décharger sa haine et sa frustration vis-à-vis de l’autorité ecclésiastique et des gens qui la composent, Alfred Sole explique pourquoi les gens sont ce qu’ils sont. Il démontre que cela n’a rien à voir avec le Diable ou le péché. Il constate juste l’inefficacité, l’inutilité de la religion incapable de résoudre les problèmes ou d’aider ses fidèles, malgré son omniprésence… Au propre comme au figuré, puisque des croix et autres gadgets catholiques sont constamment disposés quelque part dans les décors.

Des actrices divines

À contre-courant : Alice Sweet Alice (Alfred Sole)
À contre-courant : Alice Sweet Alice (Alfred Sole)

Ces personnages bénéficient tous d’une interprétation exceptionnelle.

Linda Miller, en tête, incarne avec une incroyable justesse cette mère égarée. N’importe quel parent se retrouvera dans son personnage, partageant au plus profond de son âme le double drame qu’elle endure : la mort d’un de ses enfants et la culpabilité de l’autre, décrété psychopathe.

L’interprétation livrée par Jane Lowry est tout aussi réaliste. Nul doute que beaucoup d’hommes reconnaîtront en elle une belle-sœur horripilante.

Bien sûr, c’est Paula E. Sheppard qui remporte la palme. La jeune femme de 19 ans parvient à générer des émotions diablement contradictoires…

Elle est touchante parce que sa mère est manifestement injuste envers elle, préférant sa sœur Karen, la star enfant Brooke Shields (Le Lagon bleu en 1980).

Elle agace quand elle fait ses caprices et s’agite dans l’appartement.

Elle est effrayante quand elle tourmente sa sœur et fait des propositions indécentes à son voisin adipeux…. Sa prestation est tout à fait exceptionnelle.

Pourtant, en dehors de Brooke Shields, aucune des actrices n’est devenue une star.

Alice Sweet Alice est une totale réussite, surprenante car Alfred Solde ne réitérera pas l’exploit. Peut-être avait-il placé la barre trop haut ? Quoi qu’il en soit, cette cohérence absolue entre le fond et la forme est telle que l’on peut se demander si le film d’Alfred Sole ne serait pas supérieur à celui de Nicolas Roeg, Ne vous retournez pas qui semble, en comparaison, bien plus bancal et incohérent. Blasphème ?

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