Un texte signé Stéphane Cattaneo

USA - Grande Bretagne - 1958 - Raoul Walsh
Titres alternatifs : The Sheriff of Fractured Jaw
Interprètes : Jayne Mansfield, Kenneth More, Henry Hull

retrospective

La blonde et le shérif

Pour sauver l’entreprise familiale (une manufacture d’armes à feu) d’une inéluctable faillite, l’héritier Jonathan Tibbs (Kenneth Moore) aimable britannique aux allures aristocratiques, décide de conquérir de nouveaux marchés en se rendant dans le far west, afin d’y vendre les pistolets et autres carabines fabriqués dans les ateliers que dirige son oncle irascible. Parvenu dans la petite ville de Fractured Jaw, il y sera, grâce à un quiproquo, nommé shérif par le rusé et cynique maire Major Masters (formidable Henry Hull) suite à une rencontre avec ce dernier dans le saloon-hôtel-pension de famille que tient la pétulante Kate (jayne Mansfield) et dans lequel celle-ci exerce sporadiquement la profession de meneuse de revue. Sa réputation grandit et l’amour éclot. Mais, tandis qu’une tribu d’irascibles indiens campe à proximité, deux clans ennemis qui terrorisent la ville décident de se débarrasser de ce gêneur…
Sorti en 1958 chez la Twentieth Century Fox, ce film ne brille pas par son souci de la vraisemblance, dont ne s’est de toute façon jamais prévalu Raoul Walsh, ce qui tombe bien ; mieux, il s’inscrit dans le registre de la parodie « hénaurme », et le réalisateur, enfilant les clichés du genre comme autant de perles, se joue des codes du western d’une manière délibérément outrancière. Ainsi, entre les bricolages foutraques (l’improbable attaque de la diligence tournée en studio), les raccords hasardeux (le dialogue en champ-contrechamp au bord de la rivière) et les scènes à la crédibilité douteuse (le duel de whiskies dans le bar) la narration revêt dès le début un aspect décousu d’autant plus propre à décontenancer les cinéphiles les plus exigeants qu’elle lorgne parfois vers le film à numéros musicaux
En sus, un des enjeux les plus cruciaux – l’accès aux points d’eau que se disputent les Lazy-S et les Box-T, et l’affrontement meurtrier qui en résulte – n’est jamais véritablement explicité alors même qu’il ne cesse d’être évoqué par les différents intervenants. Cela a pour effet de détourner la mise en scène d’une trame dramatique pure au profit d’une succession plus ou moins flottante de tableaux ludiques dans lesquels Kate chante, danse, tire au pistolet et, surtout, se fait respecter des cowboys en usant d’un langage fleuri, (« espèce de serpent puant au foie pourri, t’imagine pas que tu vas jouer du calibre ici ! »).
Cependant, insensiblement, les fils narratifs convergent vers une issue à la cohérence imprévue et dont, malgré le contexte humoristique à la Lucky Luke, la tension n’est pas exclue : coincé dans un canyon, encerclé par les deux bandes unies en cette circonstance, et promis par conséquent à une mort certaine, le héros sera secouru par les indiens dont il est devenu entretemps un frère de sang au cours d’une cérémonie hilarante, en possession des fameux fusils qu’il avait eu aux yeux de tous l’imprudence de leur échanger contre des fourrures. Dès lors, tel un roi Salomon empli d’une sagesse séculaire, Tibbs laissera méditer les protagonistes sur les conséquences de leurs actes dans les geôles de la ville, avant de les libérer pour assister à la célébration de son mariage avec la belle blonde.
Ainsi, dans une joyeuse atmosphère de réconciliation générale, le final époustouflant de drôlerie et d’émotion revêt les couleurs chatoyantes de son triomphe intégral.


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- Article rédigé par : Stéphane Cattaneo

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