Un texte signé Clara Sebastiao

Etats-Unis - 1961 - Marlon Brando
Titres alternatifs : One-eyed Jacks
Interprètes : Marlon Brando, Karl Malden, Pina Pellicer, Katy Jurado

retrospective

La Vengeance aux deux visages

LA VENGEANCE AUX DEUX VISAGES est le seul et unique film réalisé par Marlon Brando. À la vue de cette information, le spectateur ne peut que s’attendre à un western d’un genre nouveau et décalé. En partant de ce principe, il ne risque pas d’être déçu. LA VENGEANCE AUX DEUX VISAGES est à l’origine un scénario mal-aimé, passé de mains en mains et balloté entre différents projets. Franck Rosenberg, producteur, s’entiche du roman de Charles NeiderThe Authentic Death of Hendry Jones relatant les derniers jours du célèbre Billy the Kid. Il confie la rédaction du scénario à Rod Serling

(LA QUATRIEME DIMENSION) et Sam Peckinpah (L’INVASION DES PROFANATEURS DE SEPULTURES, LA HORDE SAUVAGE). Ce dernier se réjouit à l’idée d’enfin pouvoir démystifié l’épopée de Billy the Kid et Pat Garett en tuant le personnage du Kid. Ce rôle étant attribué d’office à Marlon Brando, celui-ci refuse de mourir à l’écran. Il rachète donc le script et congédie non sans peine Peckinpah, qui réalisera sa propre version de l’intrigue en 1973 avec PAT GARRETT ET BILLY THE KID. Brando, n’étant pas réalisateur et ne pouvant se passer de metteur en scène, rallie à sa cause Stanley Kubrick dont la première exigence sera d’avoir son propre scénariste. Son second et dernier souhait aura été d’attribuer le rôle de Dad Longworth à Spencer Tracy (LE GRAND PASSAGE, MADEMOISELLE GAGNE-TOUT), mais, Brando ayant déjà promis cette place à Karl Malden (avec une avance avantageuse sur son salaire), il se séparera de ce deuxième réalisateur. Marlon Brando se lancera donc dans un grand jeu de porte à porte à la recherche du metteur en scène qui voudra bien se plier à ses exigences. Après plusieurs refus cuisants notre acteur en peine prendra l’immense décision de réaliser ce film lui-même. Y. Fanck Freeman, patron de la Paramount et deuxième producteur du film, confiera l’anecdote suivante : « J’ai eu ma première attaque avec LES DIX COMMANDEMENTS, ma seconde avec LES BOUCANIERS, le film de Brando provoquera la troisième. » Le tournage et l’aventure ne seront donc pas de tout repos ! Marlon Brando, comme tout acteur qui se respecte commencera alors le tournage de son film en … apprenant à tirer à l’arc. Sa maîtrise de la mise en scène étant limitée, il utilisera six fois plus de métrage que prévu, 304 800 mètres de pellicule nécessaire à la réalisation. Lors du premier montage l’œuvre durera plus de 8 heures, puis passera à 4 heures et demie, 3 heures, et enfin 141 minutes. Le tournage qui devait durer 12 semaines pour 2 millions de dollars s’allongera à 6 mois pour 6 millions de dollars. Ce qui justifie grandement les sueurs froides de Freeman ! Ce dépassement sera dû, entre autre, à l’acharnement de Brando qui restait des heures durant face à la mer pour capturer la vague parfaite, et à ses prises et pertes de poids excessives qui obligeaient la costumière à refaire systématiquement la couture de ses pantalons ! Le résultat final sera décevant aux yeux du réalisateur en herbe. Son envie première était de montrer qu’en chaque personnage réside une part de bon et une part de mauvais, que chacun résonne dans les nuances de gris, d’où le titre LA VENGEANCE AUX DEUX VISAGES faisant référence aux faces cachées de chacun. Malheureusement, la Paramount craignant une catastrophe, décida au montage de tout miser sur la présence de Brando à l’écran en enlevant toute subtilité à l’œuvre. Marlon Brando se retrouvera donc avec des personnages noirs et blancs. La Paramount signera également ici son dernier film en VistaVision.

LA VENGEANCE AUX DEUX VISAGES obtiendra le Prix Coquille d’Or du festival de San Sebastian et Pina Pellicer remportera le prix de la meilleure actrice. L’histoire racontée, et la présence de Brando, permettront à l’œuvre un accueil plutôt chaleureux. Les spectateurs découvriront à sa sortie en salle la ville de Sonora au Mexique, en 1880 dans laquelle deux compères Dad Longworth (Karl Malden) et Rio (Marlon Brando) se séparent à la suite d’un hold-up. Tandis que l’un deviendra shérif et gardera le butin, l’autre passera 5 longues années en prison. À sa sortie du bagne, Rio fera son possible pour assouvir sa vengeance. Mais comment y parviendra-t-il ? Ce western surprendra les amateurs avec ses plans sur les plages californiennes, et l’omniprésence de l’océan tout au long de l’intrigue. Tandis que Marlon Brando, fidèle à lui-même, offrira une magnifique scène masochiste dans laquelle Dad Longworth le fouettera longuement et violemment.

LA VENGEANCE AUX DEUX VISAGES est, en résumé, un film solaire se distinguant des autres œuvres du genre. Parfait pour une période estivale, et idéal pour réchauffer vos longues nuits d’hiver.


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- Article rédigé par : Clara Sebastiao

- Ses films préférés : Mais ne nous délivrez pas du mal, Sayat Nova, Amer, Kissed, Naked Blood


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