Les Algues vertes (2023) Le fléau de Bretagne
Dans Les Algues vertes, Inès Léraud est une journaliste d’investigation indépendante, travaillant pour différents médias tels que France Télévision, France Inter et Arte. Elle se considère comme une journaliste engagée, prenant comme source d’inspiration Daniel Mermet, le créateur de l’émission “Là-bas si j’y suis”. Inès s’est distinguée par son combat pour faire reconnaître les dangers du mercure contenu dans certains plombages dentaires.
En 2015, lors d’une série de reportages en Bretagne, la journaliste est confrontée à une succession de décès d’animaux et d’humains qui semblent être liés à la présence d’algues vertes dans la nature. Au fur et à mesure de son enquête et de ses rencontres, elle partage la douleur et les doutes des victimes dans une collection de podcasts. Par la suite, afin d’atteindre un public plus large, elle autorise le scénariste et dessinateur Pierre Van Hove à adapter son travail en bande dessinée. Toujours dans le même objectif, Inès collabore avec Pierre Jolivet sur une version pour le cinéma.
Promenade avec la mort
Les algues vertes sont présentes tout au long du film si bien qu’il est impossible de les oublier. La photographie met en valeur la couleur verte en la mêlant à des tons gris, les costumes et accessoires comportent toujours une touche de vert. Ces plantes aquatiques apparaissent ainsi comme une gangrène qui ronge le paysage.
Cette omniprésence crée une ambiance anxiogène et nous immerge dans le quotidien des victimes. Dès les premières images, les spectateurs sont pris à témoin par le réalisateur. Ils découvrent rapidement que la nature n’est pas la seule victime de ce drame, les animaux et les humains sont également rongés.
Pierre Jolivet prend le temps de poser son contexte en commençant par la découverte de la Bretagne à travers les yeux de son héroïne, Inès. À travers une mise en scène épurée, le réalisateur présente sa protagoniste comme bienveillante et amoureuse de la région. Cet amour est transmis par des plans larges de natures mortes illuminées par un rayon de lumière. Le spectateur découvre ainsi la Bretagne de manière enchantée, en contraste avec la laideur des algues.
Cependant, ce tableau poétique se brouille lorsque Jolivet présente les faits. En utilisant les codes du reportage, il rappelle toute l’horreur de cette histoire. La détresse des agriculteurs et des familles, mais surtout l’impression que chaque protagoniste étouffe. Les algues sont omniprésentes, telle la Faucheuse prête à choisir sa prochaine victime. Le spectateur se sent étouffé et, comme Inès, il est emporté dans le récit à la recherche d’une explication.
Les témoignages et les informations sont livrés sous forme d’interviews, de documents ou de présentations avec diapositives. Le public doit bien comprendre les enjeux et les dangers de ce fléau afin de rejoindre la lutte. Pour donner encore plus de poids et susciter l’empathie, le réalisateur choisit d’utiliser des flashbacks, complétés par des gros plans mettant en évidence les sentiments et la sincérité des personnages.
Rongée par la colère
Le film, malgré sa sobriété, est un cri de colère puissant de la part de la journaliste. La justice et la vérité sont aussi corrompues que le paysage breton à ses yeux. Comme les grandes vagues qui perturbent les séances de natation de l’héroïne, cette enquête la submerge.
Elle est dévorée par la colère, la frustration et la peur. Ces émotions sont illustrées par des silhouettes qui surveillent Inès, le son d’un téléphone portable ou des insinuations. Chaque fois que la journaliste est confrontée à l’une des incarnations de la menace, elle se retrouve isolée et écrasée par le cadre.
Les institutions ainsi que les agriculteurs veulent la rendre faible et insignifiante. Les dialogues vont dans le même sens. Les antagonistes la dénigrent et la font passer pour une hystérique. Ces séquences suscitent une colère grandissante chez le spectateur jusqu’aux dernières secondes du film.
Le film “Les Algues vertes” est touchant et captivant, mais il manque de recul. Certes, Jolivet et Léraud donnent la parole aux deux camps de cette guerre froide, mais il ne fait aucun doute sur celui qu’ils ont choisi. Le long métrage rappelle ainsi que malgré son apparence de reportage, c’est avant tout une fiction au service des victimes, afin de donner la parole à leur douleur et leur incompréhension. L’objectif des “Algues vertes” est de toucher un large public et de le sensibiliser à cette cause.