Un texte signé Philippe Chouvel

Etats-unis - 1953 - Herbert Tevos, Ron Ormond
Titres alternatifs : Attack of The Spider Women, El disierto de la muerte
Interprètes : Jackie Coogan, Paula Hill, Robert Knapp, Tandra Quinn, Allan Nixon, Richard Travis

retrospective

Mesa of Lost Women

Un prospecteur de pétrole, sillonnant le « désert de la mort » (quelque part au Mexique), aperçoit un homme et une femme en difficulté. Il les ramène au campement. Là-bas, l’homme, un pilote d’avion, Grant Phillips, raconte la terrible aventure qu’il vient de vivre, avec ses compagnons d’infortune. Alors qu’il réparait une panne de moteur, ses clients (un couple qu’il devait emmener pour leur lune de miel, accompagné d’un serviteur chinois) reviennent avec deux autres personnes, un dénommé Leland Masterson, scientifique de son état, et George, son infirmier. Oui, car ce bon docteur s’est en fait échappé d’un asile, et menace à présent tout le monde avec un revolver. Masterson veut retrouver le Docteur Aranya, un savant (fou, lui aussi), qui est parvenu à isoler l’hormone de croissance de la glande pituitaire pour la greffer sur divers animaux. Curieusement, le résultat le plus probant a été constaté chez des tarentules ! Aranya a ensuite inversé le processus, pour l’inoculer sur des cobayes humains. Il s’est avéré que les hommes mutaient en nains difformes, alors que les femmes absorbaient le pouvoir des araignées, les transformant en créatures presque invulnérables. Qui pourra empêcher le Docteur Aranya de poursuivre ses sinistres expériences ?
« MESA OF LOST WOMEN » était à l’origine un projet d’un parfait inconnu (qui le restera, d’ailleurs) nommé Herbert Tevos. Un projet avorté qui finit dans un placard, jusqu’à ce qu’il soit racheté par le producteur/scénariste/réalisateur (et accessoirement acteur) Ron Ormond, spécialisé dans la série B à petit budget. Initialement appelé « LOST WOMEN OF TARPA », le film devient donc « MESA OF LOST WOMEN », et Ormond rajoute quelques scènes pour finaliser une œuvre digne d’un Ed Wood Jr. Puisqu’on en parle, signalons au passage la présence de Lyle Talbot en tant que narrateur de l’histoire, un acteur s’étant illustré autant dans des productions de la Warner Bros que dans certains films d’Ed Wood. De même, on peut noter le petit rôle de Dolores Fuller qui, en plus d’avoir joué dans « GLEN OR GLENDA » (avec Lyle Talbot), « JAIL BAIT » (encore avec Talbot) et « BRIDE OF THE MONSTER », fut à une époque la compagne d’Ed Wood Jr.
Bref, il règne dans le film une ambiance proche d’un « PLAN 9 FROM OUTER SPACE », par exemple, avec des acteurs qui jouent mal, un scénario incohérent, une réalisation en roue libre, des effets spéciaux… très spéciaux, et une musique provoquant des fous rires nerveux (ah ! cette guitare jouant un air de flamenco inlassablement). Il s’agit d’un film fauché à tous les niveaux, sauvé du désastre par son humour involontaire et sa durée (70 minutes qui passent finalement assez rapidement, pour peu que le spectateur soit bien disposé).
L’acteur le plus familier reste le fameux Docteur Aranya, interprété par Jackie Coogan, célèbre au sein de plusieurs générations de cinéphiles. Coogan n’avait pas encore sept ans lorsqu’il se retrouva a jouer au côté de Charlot dans « THE KID », en 1921. Dix ans plus tard, il sera Tom Sawyer dans le « HUCKLEBERRY FINN » de Norman Taurog. Pourtant, pour beaucoup, son rôle le plus marquant est celui de l’oncle Fester dans la série télé « THE ADDAMS FAMILY », 62 épisodes entre 1964 et 1966 qui font définitivement rentrer Jackie Coogan dans la légende.
Fort heureusement, car ce n’est certainement pas « MESA OF LOST WOMEN » qui aura contribué à sa réputation. Malgré un temps de présence à l’écran assez faible, on n’est pas près d’oublier ses dialogues à base de théories scientifiques vaseuses, et annoncer avec fierté que les araignées sont des hexapodes (jusqu’à preuve du contraire, les arachnides ont huit pattes). Mais au jeu des tirades, la palme revient sans conteste au domestique chinois, qui parle par énigmes, et parvient à balancer en un temps record un florilège de maximes foireuses. N’oublions pas toutefois la blonde héroïne, qui a également droit à une belle tirade (« J’ai vu plusieurs femmes, et des nains. »). Et, pour finir en beauté, comment ne pas évoquer ce dialogue, avec Masterson s’exclamant : « Docteur Aranya ! », et le pilote ajoutant à l’intention de l’héroïne : « En espagnol, ça signifie araignée » !
Les situations étant à l’image des dialogues, « MESA OF LOST WOMEN » présente de ce fait une parfaite homogénéité : c’est un film raté de A jusqu’à Z, mais qui parvient presque miraculeusement à capter l’attention, à fasciner comme par une sorte d’hypnose, à l’instar de la danse de Tarantella, la femme hybride créée par Aranya.
« Startling ! Unbelievable ! Weird ! », annonce fièrement le générique d’ouverture, et à raison, car la vision de « MESA OF LOST WOMEN » s’apparente bien à une expérience étrange et incroyable, qui a marqué les esprits, à tel point que l’on en parle encore, presque soixante ans plus tard.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Philippe Chouvel

- Ses films préférés : Femina Ridens, Les Démons, Danger Diabolik, L’Abominable Docteur Phibes, La Dame Rouge Tua 7 Fois

Share via
Copy link