Un texte signé Quentin Mazel

Japon - 2010 - Hitoshi Matsumoto
Interprètes : Hitoshi Matsumoto

BIFFF 2010Hallucinations Collectives 2011review

Symbol

Quand on parle d’OVNI au cinéma, on en revient souvent à parler de BIG MAN JAPAN et de sa fin complètement folle. C’est lors de l’Hallucinations Collectives que nous avons pu découvrir le deuxième long métrage du réalisateur Japonais, Hitoshi Matsumoto.
SYMBOL, film en compétition qui, sans convaincre le public, a su susciter des interrogations et un réel intérêt. Hitoshi Matsumoto propose ici un film totalement guignolesque où l’humour absurde, souvent gras, tente de construire un développement réflectif. Réalisateur, acteur, chanteur, écrivain, et animateur TV, connu au japon entre autres pour son émission Hey! Hey! Hey! Music Champ, Hitoshi Matsumoto fait partie de ces personnalités qui ont su s’implanter dans tous les médias malgré un grain de folie indiscutable.
Le précédent film de Matsumoto, BIG MAN JAPAN mettait en scène le réalisateur dans le rôle d’un homme capable de grandir grâce à l’énergie électrique, super-héros déchu, dont la vie nous été dépeinte grâce à la forme du documentaire. Décalé et étrange, le film avait comme atout principal une réelle perspicacité concernant la société japonaise. Mais c’est surtout le final qui avait su rester dans la tête de la plupart des spectateurs, et avait par cette même occasion abouti à un certain enthousiasme généralisé pour ce film.
Encore une fois Matsumoto se met en scène dans le rôle d’un personnage outsider. Dans SYMBOL ce n’est plus un super-héros mais un homme capable de modifier un univers grâce à des pénis.
Au Mexique, un lutteur se prépare à un combat. Au même moment, un homme se réveille dans une pièce close entièrement blanche. Seules des protubérances phalliques semblent décorer le lieu. Lorsque notre héros touche la première de ces excroissances, des angelots sortent des murs dans un rire bruyant puis disparaissent. Une brosse à dent sort également de nulle part. Une série d’actions improbables va alors s’enchaîner.
Le film, découpé en trois temps, l’apprentissage, la mise en pratique, le futur, propose l’évolution d’un homme enfermé dans une pièce, totalement exclu du reste du monde. Un changement de lieu, de comportement et d’apparence représente ces évolutions compartimentées. Ce premier tiers, que l’on peu rattacher à l’enfance, pourrait se caractériser par une phase de découverte et de compréhension d’un environnement. Notre héros, habillé d’un pyjama jaune à pois roses et bleus, se comporte avec excès et le moindre de ses désirs est exaucé malgré une certaine incompréhension. Il apprendra par la suite à comprendre et à « dominer » son environnement. Les pénis sur les murs sont, avec un certain amusement, une représentation de son évolution personnelle mais aussi la métaphore de la « technique ». Ainsi, l’évolution de ces pénis figure ce changement vers une complication de l’intellect de notre personnage principal. Cette métamorphose est suivie par le spectateur et l’étrangeté de la pellicule nous fait bien souvent partager les questionnements du personnage principal.
Le film propose une symbolique conceptuelle qui a parfois tendance à donner l’impression d’un vide total de sens. En effet, ce scénario qui tient sur un mouchoir de poche donne la possibilité au réalisateur de présenter un grand nombre de tests graphiques et symboliques. Matsumoto tente, en réalité, de réaliser un film sur la vie. Pari difficile, qui aboutit finalement à un film intéressant par sa liberté d’interprétation. On est cependant loin de KOYAANISQATSI de Godfrey Reggio. Ici on ne contemple pas, on tente simplement d’interpréter des actions improbables. Dans SYMBOL, Matsumoto s’intéresse à la vie de l’homme, son évolution dans la compréhension de son environnement immédiat et de son univers, son évolution en tant qu’homme mais aussi en tant qu’entité pensante.
Le spectateur est plongé dans une histoire qui semble être, pendant les premières trente minutes, sans queue ni tête. Cependant, l’étrangeté de ce film exerce un certain pouvoir captivant et on se laisse bercer par l’improbable avec une certaine facilité.
SYMBOL a de plus l’avantage de proposer une photographie très plaisante, bien composée et agréablement amenée. Notons la différence de grain entre la « réalité », c’est-à-dire principalement les séquences au Mexique, et celle en compagnie de Matsumoto. Cet univers loufoque est caractérisé par un lissage et une saturation de la couleur. Le parti pris est ainsi d’opposer les univers et de bien les distinguer pour créer de réelles indépendances. Les différences entre ces deux univers ne sont pas uniquement graphiques, les techniques de cadrages sont aussi bien distinctes. L’univers du Mexique, beaucoup plus organique et proche de ses personnages, s’oppose ainsi aux plans bien plus larges et alambiqués de cet univers amphigourique, voire à la limite de l’ésotérisme. Notons l’utilisation de techniques, comme l’introduction de l’univers de la BD, qui sont visuellement intéressantes. Cependant, la mise en place de gags de répétition a tendance à essouffler ces techniques.

OVNI vous avez dit OVNI ? Oui SYMBOL est un OVNI et mérite réellement le coup d’œil. Un non-sens qui est finalement plein d’intérêt et qui laisse un grand nombre d’interprétations possibles au spectateur. Agréable et plaisant, le film porte le spectateur dans son inconscient et le force à la surinterprétation et à la spéculation.


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- Article rédigé par : Quentin Mazel

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