Un texte signé Stéphane Pretceille

Britannique - 2012 - Susan Jacobsen
Interprètes : Vincent Regan, David Bradley, Kierston Wareing

Dossierreview

The holding

Depuis la disparition inexpliquée de son mari, une jeune femme et ses deux filles se retrouvent seules à gérer leur exploitation agricole, perdue dans la campagne anglaise. A ce quotidien difficile de cette famille renfermée sur elle-même, s’ajoutent les menaces à peine voilées des fermiers voisins, très intéressés pour racheter leur terre. L’ambiance est lourde, les tensions accrues, la fermière semble cacher quelque chose, son mutisme interroge et à tout instant, dans chaque plan, une explosion de violence menace. Au moment où la mise à bas d’un veau se complique, un inconnu surgit pour offrir son aide. La fermière commence par accepter de l’éberger une nuit pour le remercier. Ce dernier, constatant la charge trop lourde que représente le travail de la ferme pour une femme seule avec ses deux filles et assistant aux exactions des voisins pour les terroriser, comprend rapidement qu’il a sa carte à jouer pour se rendre indispensable auprès de ses hôtes.

C’est ce que l’on pourrait nommer un thriller agricole, un drame rural bien ancré dans une atmosphère lourde et menaçante. Comme bien souvent, la représentation du monde agricole n’est pas joyeuse : les visages des paysans sont fermés, les comportements rustres, la part de dialogue est limitée à l’essentiel. Le paysage est à l’avenant, un ciel plombé, un horizon bouché ; la campagne anglaise que l’on nous montre est bien loin de celle de RETOUR A HOWARDS ENDS ou de RAISONS ET SENTIMENTS. A l’opposé du dépliant touristique du paysage champêtre anglais, le réalisateur enferme son décor et ses acteurs dans un cadre étroit. Quant à ces derniers, exceptée la grande sœur blonde un peu trop jolie et apprêtée pour correspondre au terroir ambiant, ils ont de vraies gueules. La fermière Cassie a les traits lourds, les voisins traduisent bien dans leurs expressions cette avidité de la terre, cette voracité du paysan telle que Balzac et Zola, nous la décrivaient dans Les paysans et la terre, un monde sans foi ni loi où seul comptait le nombre d’hectares possédés.

Pour la retranscription du monde agricole au XXIème siècle, le film est réussi, même s’il tend parfois à pêcher par excès dans sa tonalité vers un microcosme replié sur lui-même. Si le scénario semble peu surprenant, passé trois quarts d’heure, l’histoire s’emballe et révèle un secret plutôt bien ficelé avec des moments de violence assez inattendus. La tension étant crescendo, le final, assez grandiloquent, s’achève dans une sempiternelle course-poursuite entre les victimes et l’ouvrier agricole psychopathe. Sur cette fin archi-classique, le réalisateur cède à la facilité coutumière du thriller où le tueur n’a de cesse de se relever.

La mise en scène, des personnages bien campés et un scénario charpenté avec soin, constituent des qualités qui ont permis à ce métrage d’être sélectionné dans plusieurs festivals, dont Fantastic Film Festival d’Austin aux Etats-Unis cette année. Si le produit est de bonne facture, il reste néanmoins, tant par sa narration que ses acteurs et son histoire, un spectacle modérément palpitant et ce notamment à cause de la première moitié du film particulièrement étirée, avec des plans longs, des situations et des dialogues qui ne font pas vraiment avancer le récit. Les personnages étant tous peu aimables, il est difficile de s’y intéresser et encore moins de s’y attacher. Passé ces 40 premières minutes d’ennui, le film démarre et devient prenant. Dommage que le réalisateur se soit embourbé aussi longtemps avant de passer la deuxième, regrettable aussi que la fermière soit si peu plaisante. Malgré ses défauts saillants et son côté téléfilm de luxe, le film se regarde avec un ennui poli, ne serait-ce que par respect pour sa bonne tenue, son professionnalisme, l’absence d’effets tape-à-l’œil et la relative sobriété de sa mise en scène, qualités qui, aujourd’hui plus que jamais, méritent d’être soulignées.


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- Article rédigé par : Stéphane Pretceille

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