Un texte signé Philippe Chouvel

retrospective

Crypt of the Living Dead

Chris Bolton, archéologue, se rend sur une île retirée où son père vient de mourir dans des circonstances non définies. Ce dernier y effectuait des fouilles et avait découvert une crypte perdue dans un dédale de souterrains. A son arrivée, Bolton est confronté à la méfiance des autochtones, pour la plupart des pêcheurs, qui refusent de lui adresser la parole. Fort heureusement, il est accueilli par Peter, un étudiant spécialisé dans l’étude des Croisades, beaucoup plus affable. Celui-ci conduit l’archéologue jusqu’au village et lui présente sa sœur Mary, l’institutrice qui s’occupe des enfants.
Constatant que les habitants semblent avoir peur de quelque chose, Chris interroge Peter et l’étudiant lui en explique les raisons : dans le caveau qui se trouve dans la crypte repose Hannah, un vampire âgé de sept-cents ans !
LA TUMBA DE LA ISLA MALDITA est en grande partie l’œuvre du réalisateur espagnol Julio Salvador, et un peu celle de l’Américain Ray Danton, qui se contenta de filmer quelques scènes additionnelles pour le marché anglo-saxon. Si le nom de Salvador, auteur d’une douzaines de longs métrages demeurés invisibles dans nos contrées, n’évoque pas grand-chose pour la plupart des cinéphiles, il en va différemment pour Ray Danton. Ce dernier fut en effet un acteur très actif durant les années 1950/70, surtout pour la télévision. Pour le cinéma, Jesus Franco lui offrit le premier rôle dans OPERATION RE MIDA, une parodie d’eurospy fort sympathique. Également, Danton se retrouva en quelques occasions derrière la caméra pour tourner des thrillers (l’excellent THE CENTERFOLD GIRLS) ou des films fantastiques (DEATHMASTER, PSYCHIC KILLER).
CRYPT OF THE LIVING DEAD étant donc une coproduction américano-espagnole, on retrouve logiquement au sein de son casting des acteurs originaires des deux pays. Parmi les quatre personnages principaux (respectivement Chris, Peter, Mary et Hannah), trois sont américains et présentent la particularité d’avoir chacun connu la notoriété dans un pays différent. Mark Damon, malgré sa confrontation inoubliable avec Vincent Price dans LA CHUTE DE LA MAISON USHER (de Roger Corman), fera une grande partie de sa carrière en Italie dans des films comme LES TROIS VISAGES DE LA PEUR et LES VIERGES DE LA PLEINE LUNE. Patty Shepard, quant à elle, tourna presque exclusivement pour le cinéma ibérique. On a pu notamment la remarquer aux côtés de Paul Naschy dans LA FURIE DES VAMPIRES de même que dans le mémorable DRACULA CONTRE FRANKENSTEIN de Tulio Demicheli. Enfin, de ce trio seul Andrew Prine connut la consécration dans son pays. Né en 1936, il débuta à la télévision âgé d’à peine vingt ans. On le verra d’ailleurs souvent sur le petit écran, l’acteur enchaînant téléfilms et séries TV, l’une de ses apparitions les plus marquantes restant celle dans V où il campait l’un des chefs des envahisseurs. Mais dans le domaine du 7ème Art il eut aussi des rôles emblématiques, à travers des œuvres plus en rapport avec le cinéma de quartier. On peut citer THE CENTERFOLD GIRLS de Ray Danton, ainsi que SIMON KING OF THE WITCHES et NIGHTMARE CIRCUS, trois longs métrages pour lesquels il occupait le rôle principal.
En ce qui concerne le personnage-clé de LA TUMBA DE LA ISLA MALDITA, à savoir Hannah la vampire, le rôle en fut attribué à Teresa Gimpera, actrice qui avait débuté dans une œuvre obscure mais de qualité réalisée par Vicente Aranda : FATA/MORGANA. Toujours en activité, Teresa Gimpera possède une belle filmographie au sein de laquelle on peut entre autres retenir le giallo WEEK-END POUR ELENA et LA NUIT DES DIABLES.
Qualitativement parlant, CRYPT OF THE LIVING DEAD s’avère très inégal, alternant des scènes marquantes et des passages beaucoup plus anecdotiques. Le rythme en souffre par conséquent, ce qui est dommage car le teaser était prometteur. Celui-ci met en effet le spectateur tout de suite dans l’ambiance, par le biais du professeur Bolton (le père de Chris) à la recherche de la tombe. L’hostilité des lieux, ajoutée à une menace surnaturelle, donne le ton dès les premières secondes, grâce à des artifices certes classiques mais toujours efficaces : cimetière retiré, cloche se mettant à sonner dans la nuit, éléments se déchaînant, souterrains inquiétants et enfin arrivée dans la fameuse crypte.
La première mauvaise surprise arrive alors, lorsque Bolton est assassiné et que l’identité de l’assassin est révélée à l’écran, gâchant ainsi une partie du suspense pour le spectateur.
C’est regrettable, car il règne dans le film une ambiance indéniable, une menace omniprésente avec ces pêcheurs semblant cacher un secret, et ce ciel orageux paraissant vouloir plonger l’île dans les ténèbres infernales.
La deuxième incohérence provient des origines de Hannah, qui aurait été selon Peter une femme illégitime du Roi Louis VII au XIIIème siècle. Le caveau indique d’ailleurs la date du décès de la jeune femme, en 1269. De quoi faire bondir n’importe quel historien dans la mesure où Louis VII vécut au XIIème siècle (1120-1180). On ne saura d’ailleurs jamais pourquoi Hannah est devenue un vampire.
Enfin, toujours est-il qu’elle se réveillera et commencera à semer la panique au sein de la population, ceci malgré un manque d’énergie flagrant. On est ici très loin des créatures de la nuit semblables à de féroces prédateurs, la caméra du réalisateur préférant montrer la femme vampire errer nonchalamment dans la forêt au clair de lune. Cela étant, on assiste de temps à autres à des transformations en loup ou en banc de brouillard, mais les pouvoirs du vampire sont dans l’ensemble mal exploités.
Pour terminer sur une note positive, on peut dire que le cadre a été particulièrement bien choisi. LA TUMBA DE LA ISLA MALDITA fut tourné en Turquie, dans des décors naturels magnifiques. N’oublions pas qu’en 1973 l’Espagne était encore sous l’égide du régime franquiste et que par conséquent la censure était très forte, même dans tout ce qui touchait aux arts. Il était inconcevable de tourner des scènes d’horreur ou d’érotisme en Espagne, aussi fallait-il s’expatrier dans des pays étrangers pour qu’un metteur en scène puisse s’exprimer comme il l’entendait.
Ce que fit donc Julio Salvador. Mais si on compare le résultat obtenu par rapport à d’autres œuvres fantastiques espagnoles de la même époque, on est obligé de reconnaître que le cinéaste est loin d’avoir atteint l’efficacité et le savoir faire de la plupart de ses confrères. Si CRYPT OF THE LIVING DEAD demeure un film tout à fait regardable, il reste toutefois inférieur à bien des œuvres signées par quelques spécialistes du genre comme Narciso Ibanez Serrador, Leon Klimovsky ou Amando de Ossorio.


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- Article rédigé par : Philippe Chouvel

- Ses films préférés : Femina Ridens, Les Démons, Danger Diabolik, L’Abominable Docteur Phibes, La Dame Rouge Tua 7 Fois

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