Un texte signé Alexandre Lecouffe

France - 2009 - David Morley
Interprètes : Hélène de Fougerolles, Francis Renaud, Dida Diafat

BIFFF 2011review

Mutants

Le cinéma d’horreur français existe bel et bien, et nous pouvons avoir tendance à l’oublier. Naturellement, MARTYRS (2008) de Pascal Laugier a produit un tel effet qu’il en a éclipsé quelques autres. Ainsi, MUTANTS (2007) de David Morley a souvent été évincé du paysage cinématographique français. Ce film, qui va plus loin que la simple inspiration de 28 JOURS PLUS TARD (2002) de Danny Boyle, a même souvent suscité la levée de boucliers de la critique spécialisée. On a en outre vu l’intérêt d’un tel film être complaisamment remis en question.
L’histoire met en scène un monde post-apocalyptique dans lequel un étrange virus, transmissible par le sang et la salive, fait muter les individus contaminés en véritables monstres assoiffés de sang. Marco et Sonia, un couple d’ambulanciers non contaminé, cherchent à rejoindre une base militaire sécurisée du nom de Noé pour fuir la contamination.
Il est évident que David Morley s’est inspiré de 28 JOURS PLUS TARD (2002) pour son métrage. Certains plans de caméra ainsi que le thème des infectés est repris. Le terme infecté est à prendre dans le sens où les zombies ne sont ici pas des morts-vivants mais des humains vivants contaminés, car ce virus les rend agressifs et cannibales. Bien sûr, le thème des infectés avait déjà été visité par des réalisateurs comme Sidney Salkcow et Ubaldo Ragona avec THE LAST MAN ON EARTH (1964), Boris Sagal avec OMEGA MAN (1970) ou encore David E. Durston qui signe le fabuleux I DRINK YOUR BLOOD (1970). Mais au vu de la ressemblance du métrage de Morley avec celui de Boyle, il est cependant possible de rapprocher les contaminés des deux films, et cela va plus loin qu’un désir subjectif de rapprocher ces deux pellicules. Il est vrai que certains traitements de l’image et de constructions scénaristiques sont similaires et c’est ainsi qu’il est facile de rapprocher les contaminés de Morley et ceux de Boyle. Car Morley fait bien entendu référence à la deuxième génération de films de contaminés ouverte par le travail de Danny Boyle.
On retrouve également des inspirations de LA MOUCHE (1986) de David Cronenberg, en particulier pour la transformation des infectés. En effet, comme dans LA MOUCHE, la longue transformation de la contamination génère une dégradation lente et progressive du corps. De plus, l’altération du corps entraîne simultanément une modification de la personnalité, qui bien entendu devient de plus en plus agressive et tend même vers l’animalité, ce qui crée une corrélation entre chair et nature. Cette tragique situation est bien entendu mise en évidence par la lenteur de la transformation. En outre, certains voient THE THING (1982) de John Carpenter dans les paysages enneigés de Morley. Bien entendu dans les deux films le froid est là pour créer une sensation d’isolement et de huis clos. Cependant, chez Morley, on pourrait aller jusqu’à dire que cette neige est également symbole de la fin de la maîtrise de l’homme de son environnement et par conséquent la fin de la structure sociale fixe, caractéristique obligatoire et naturelle pour un film post-apocalyptique. La nature reprend ainsi ses droits.
Il est intéressant de noter que David Morley ait choisi de laisser les infectés au second plan pour se concentrer sur la relation qu’entretient le couple. En effet, Marco est infecté et se transforme petit à petit en une bête assoiffée de sang. Ainsi, au fil de la transformation de Marco, on suit avant tout l’évolution des rapports conjugaux qui vont bien entendu se détériorer et même s’inverser. Ainsi Sonia adoptera un statut protecteur alors qu’au début du film Marco endossait avec une certaine logique ce rôle. Il est évident que c’est dans cette relation mise au premier plan que réside toute l’originalité du film. Le jeu d’acteur des deux protagonistes, sans être exceptionnel, nous fait pourtant naturellement croire à leur relation et s’avère parfaitement dosé, à une exception près. En effet, dans les quinze dernières minutes du métrage, Marco, alors totalement transformé, se retourne contre les autres contaminés pour protéger sa tendre. Parce qu’elle est d’un dramatique presque shakespearien, cette scène annihile toute la relation jusqu’alors totalement vraisemblable qu’entretenaient les deux personnages. Elle entache la crédibilité de la contamination et finalement la quasi totalité du film.
Néanmoins, il faut le dire, l’un des avantages majeurs du film réside dans le talent du directeur artistique du film, Olivier Afonso. On le connaît déjà pour son travail dans FRONTIERES (2008) de Xavier Gens, VERTIGE (2009) d’Abel Ferry ou encore dans LA HORDE (2010) de Yannick Dahan et Benjamin Rocher. Ces films sans grandes prétentions jouissaient d’une qualité graphique et visuelle indiscutables. Olivier Afonso, grand nom du cinéma d’horreur français, apporte donc un plus incontestable au métrage. En effet, ses maquillages sont particulièrement fouillés, précis et réalistes. Evidemment, la lente évolution de la transformation de Marco lui donne la possibilité, à lui et à son équipe, d’exprimer toute une gamme de techniques et un savoir-faire extrêmement bien maîtrisés.
Malheureusement, MUTANTS comporte quelques autres points d’ombre, hormis cette fin maladroite. On peut ainsi citer l’interprétation de Marie-Sohna Condé qui nous offre une policière particulièrement caricaturale et insupportable dès la première seconde où celle-ci apparaît. C’est étrange et déroutant car Marie-Sohna Condé est plutôt connue pour de bonnes prestations au théâtre. Heureusement cette dernière disparaît assez rapidement du film.
À cause des critiques que l’on peut lui faire, MUTANTS se révèle être d’une qualité moyenne mais qui reste totalement en accord avec son époque. Et sans laisser un souvenir impérissable, MUTANTS s’avère finalement être un film intéressant et assez bien construit.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

- Ses films préférés :

Share via
Copy link