Un texte signé Fred Pizzoferrato

Série

Night Gallery – saison 1

Succédant à « la quatrième dimension », la série télévisée « Night Gallery » fut également crée par le prolifique et talentueux Rod Serling mais se focalise davantage sur l’épouvante et le fantastique au détriment de la science-fiction. Une de ses particularités consiste à présenter plusieurs histoires indépendantes dans chaque épisode. La série compte donc 46 épisodes d’environ cinquante minutes, répartis sur trois saisons diffusées entre le 16 décembre 1970 et le 27 mai 1973.
En tout 98 histoires sont donc proposées. Peu connue en France à l’exception de son pilote (baptisé « L’envers du tableau » et diffusé fin 1969 aux Etats-Unis) au format long-métrage (et dont un des sketches était signé Steven Spielberg), la série reprend un principe à la « Alfred Hitchcock », chaque intrigue étant introduite par Rod Serling en personne. A l’époque, de nombreux critiques furent émises à l’encontre du format bâtard du show et du manque d’unité et de ton entrainé par cette segmentation bizarre : en effet un épisode sérieux d’une demi-heure pouvait être couplé à deux petits épisodes d’une dizaine de minutes à vocation humoristique. Une critique justifiée mais qui s’estompe en partie lors du visionnage des épisodes à la suite, les petites respirations comiques étant appréciables quoique pas toujours très réussies.

L’épisode pilote, sous forme d’un téléfilm à sketches, présente trois segments introduits par Serling et lié à autant de tableaux. Le premier, « The Cemetery », concerne Jeremy, mouton noir de la famille (campé par Roddy McDowall) qui provoque la mort de son riche oncle passionné de peinture dans le but de s’emparer de sa fortune. Mais une fois le tonton enterré les tableaux disséminés dans la maison semblent annoncer son retour : une peinture représentant le cimetière s’orne d’une tombe ouverte d’où s’extrait le défunt. Prévisible et quelque peu routinier, y compris lors du double twist final assez attendu mais néanmoins divertissant, ce segment retrouve joyeusement l’esprit macabre des comics à la Tales from the crypt.
Le deuxième épisode (« Eyes ») traite d’une femme âgée (Joan Crawford) aveugle qui, pour retrouver la vue durant une douzaine d’heures, recourt à un donneur, un pauvre type criblé de dettes prêt à sacrifier ses yeux pour voir effacer ses obligations. Célèbre pour être une des premières réalisations de Steven Spielberg débutant, cet épisode bénéficie surtout de bonnes performances de la part des comédiens qui compensent, en partie, un coup de théâtre ironique là encore prévisible.
Quasiment dénué d’élément fantastique « The Escape route » confronte l’ancien tortionnaire d’un camp nazi en fuite en Amérique du Sud à une de ses victimes. Moins réussi que les deux premiers, le dernier épisode de ce pilote souffre d’un rythme languissant, d’une linéarité préjudiciable et d’un twist téléphoné compensé, une fois encore, par les prestations impliquées des acteurs.
Dans ces trois premières livraisons, les tableaux occupent une place prépondérante et sont, à chaque fois, au cœur des intrigues. La suite abandonnera ce concept intéressant mais difficilement déclinable sur une saison entière.

Les six autres épisodes qui composent cette première saison sont, à chaque fois, des récits doubles (ou triple), d’une durée sensiblement égale (51 minutes).

Dans « The Dead Man » adapté d’une nouvelle de Fritz Leiber (un des créateurs de l’heroic-fantasy littéraire avec son célèbre « Cycle des épées » et lauréat de huit prix Hugo), un médecin expérimente sur un patient capable, par autosuggestion psychosomatique, de simuler toutes les maladies. Mais, jaloux, le praticien finit par lui suggérer de mourir… Une demi-heure plaisante qu’on imagine très bien dessiné façon « Tales from the crypt » avec l’attendue vengeance post-mortem empreinte d’humour noir. Sympathique mais prévisible, tout comme « The Housekeeper » dans lequel un homme (Larry Hagman) recourt à la magie noire pour échanger l’esprit de sa détestable mais très jolie épouse avec une maitresse de maison vieillissante. Sans surprise mais la dernière réplique, d’une ironie cruelle, excuse la linéairité de l’intrigue.

L’épisode suivant se compose de trois histoires. Dans l’amusant « A room with a view » qui n’aurait pas dépareillé chez « Alfred Hitchcock présente », un homme alité et malade suscite la jalousie de son infirmière (Diane Keaton) afin que cette dernière supprime son épouse infidèle. En dépit d’un déroulement attendu, le spectateur passe un bon moment, tout comme avec la pièce maitresse « The Little black bag », une comédie science-fictionnelle de Jeannot Szwarc adapté de C.M. Kornbluth dans laquelle un médecin devenu clochard (Burgess Meredith) entre en possession d’une mallette médicale égarée depuis un lointain futur et contenant les remèdes à tous les maux de l’humanité. Beaucoup d’humour et une chute assez inattendue compensent une progression prévisible. Enfin, « the nature of the enemy » d’une durée de 8 minutes s’apparente surtout à un petit gag terminé par une chute trop attendue pour fonctionner. Le genre de coda inutile qui a généré des critiques quelque peu justifiées à l’encontre de la série.

L’épisode suivant comporte deux histoires : « The House », un véritable ratage déjà vu et revu au rythme léthargique (encore accentué par des scènes au ralenti pénibles) et au final sans intérêt. « Certain shadows on the wall », a contrario, s’avère bien plus efficace quoique l’intrigue, adaptée d’une nouvelle de Mary Eleanor Freeman datée de XIXème siècle, trahisse son âge et souffre d’une chute prévisible. Le climat d’angoisse développé se révèle heureusement effectif et l’épisode, distrayant, se suit avec plaisir.

Toujours scindé en deux, l’épisode suivant débute par « Make me laugh », variation sur le thème classique du vœu exaucé par un génie (ici une sorte de magicien gourou) et dont les conséquences s’avèrent rapidement désastreuses comme va l’apprendre à ses dépens un comique ringard demandant désespérément de provoquer l’hilarité du public. Sympathique, alerte et empreint d’un humour noir effectif en dépit d’un déroulement linéaire et d’une chute attendue. Un avis qui s’applique également à « Clean kills and other trophies » dans lequel un passionné de chasse à l’automne de son existence tente de convaincre son pacifique fiston d’abattre un animal. Le twist final, à base de magie africaine, applique le prévisible « tel est pris qui croyait prendre » cher aux bandes dessinées horrifiques et moralisatrices de l’époque.

Pour la suite, trois sketches : « Pamela’s Voice », « Lone survivor » et « The Doll ». Le premier est une courte historiette humoristique pas désagréable mais oubliable. La seconde, plus intéressante mais guère originale, s’intéresse à un marin maudit devenu l’incarnation du « Hollandais volant » : pour sa lâcheté lors du naufrage du Titanic, le naufragé est condamné à vivre d’innombrables désastres maritimes. L’épisode le plus proche de la « Quatrième dimension ». Enfin, « The Doll » adapte un récit angoissant d’Algeron Blackwood au sujet d’une poupée animée de mauvaises intentions.

L’épisode final s’avère particulier : « They’re Tearing Down Tim Riley’s Bar » occupe pratiquement tout le temps disponible avec une durée de 39 minutes. L’intrigue, nostalgique, recourt peu au fantastique et se veut mélancolique alors qu’un presque quinquagénaire effectue le bilan de son existence à l’occasion de ses 25 ans au service d’un patron tyrannique. La destruction du bar où il passa les plus belles heures de sa vie lui donne l’occasion de se pencher sur son passé…et peut-être d’y retourner. Un côté « Amazing Stories » avant l’heure. « The Last Laurel », de son côté, ne dure que huit minutes et joue une fois de plus la carte de la vengeance paranormale qui se retourne contre son instigateur. Sans intérêt excepté la présence de Martine Beswick.

En dépit d’épisodes plus faibles ou quelque peu hors propos, cette première saison se révèle de bonne facture : une bonne moitié des épisodes sont bons, voire très bons et l’autre moitié oscille entre le correct et le médiocre, heureusement minorité. Certes la plupart des intrigues paraissent aujourd’hui prévisibles mais, dans l’ensemble, on passe un bon moment devant ce digne succédané de « La quatrième dimension ».


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- Article rédigé par : Fred Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

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