Un texte signé Jérôme Pottier

Grande-Bretagne - 1962 - John Gilling
Interprètes : Kerwin Mathews, Christopher Lee, Andrew Keir, Oliver Reed, Glenn Corbett, Peter Arne, Marla Landi, Michael Ripper

retrospective

The Pirates Of Blood River

John Gilling est un des valeureux artisans oubliés du cinéma de genre britannique. La critique lui préférant un Terence Fisher doté d’une thématique plus riche, voire un Freddie Francis, plus inégal mais doué d’un sens de la plastique hors du commun. Pourtant, à l’instar du duo formé par Robert S. Baker et Monty Berman (le très beau JACK L’EVENTREUR de 1959 et le scandaleux THE HELLFIRE CLUB en 1961), John Gilling est un artisan complet qui a marqué de son talent le cinoche populaire anglais. Il signe plusieurs classiques inoubliables dont LA FEMME REPTILE et L’INVASION DES MORTS-VIVANTS (tous deux tournés en 1966), sa pièce maîtresse restant L’IMPASSE AUX VIOLENCES (en 1960) qui adapte la sinistre affaire des résurrectionnistes d’Edimbourg, William Burke et William Hare. Sa version voit Peter Cushing et Donald Pleasance répondre à Boris Karloff et Bela Lugosi qui dominaient la distribution du BODY SNATCHER (1945) de Robert Wise adapté du même fait divers.
En 1962, la HAMMER FILMS est en plein âge d’or, Michael Carreras et Anthony Hinds, ses patrons, souhaitent diversifier leurs productions ; ils décident de se lancer dans le film de pirates. Ils confient à John Gilling le soin de diriger THE PIRATES OF BLOOD RIVER, une aventure épique qui met en scène l’une des vedettes maison, Christopher Lee, et le dynamique Kerwin Mathews. Ce dernier, aujourd’hui ignoré, était alors une star en pleine gloire. Il venait de camper Sinbad dans le superbe SEPTIEME VOYAGE DE SINBAD de Nathan Juran (1958) aux séquences d’effets spéciaux poétiques signées du magicien Ray Harryhausen, Gulliver dans ce qui demeure la meilleure adaptation du roman satirique de Jonathan Swift (LES VOYAGES DE GULLIVER de Jack Sher-1960), et JACK LE TUEUR DE GEANTS (1962) dans le merveilleux film éponyme de Nathan Juran qui fit la joie des téléspectateurs de LA DERNIERE SEANCE d’Eddy Mitchell.
Il interprète ici le héros niais par excellence, Jonathan Standing, désavoué par son propre père pour péché d’adultère (ayant entraîné la mort accidentelle de sa compagne) et exclu de sa communauté d’huguenots. Il est envoyé au bagne mais parvient à s’évade . Dans sa fuite il s’allie avec une bande de pirates truculents dirigé par le cruel Capitaine Laroche (Christopher Lee). Ces derniers l’escortent jusque son village d’origine, mais une fois arrivés, ils révèlent leur véritable plan : voler le trésor de la communauté protestante…
THE PIRATES OF BLOOD RIVER s’avère être un véritable bonheur de série B à l’image de tout ce qui venait, à l’époque, des studios de Bray. Il faut bien avouer que derrière ce modeste film d’aventures se cache un immense scénariste, l’écrivain vedette de la HAMMER FILMS, Jimmy Sangster. Auteur des scripts des plus belles réalisations de Terence Fisher (FRANKENSTEIN S’EST ECHAPPE en 1957, LE CAUCHEMAR DE DRACULA en 1958, etc.), les cinéphiles oublient souvent son travail passionnant de metteur en scène avec, plus particulièrement, le sous-estimé LES HORREURS DE FRANKENSTEIN (1970) et le jouissif LUST FOR A VAMPIRE (1971).
Il fait ici subir à Kerwin Matthews tous les tourments du héros typiquement benêt et transforme le personnage du méchant de service, le Capitaine Laroche, en cruel tortionnaire pédant. Lettré et sans cesse habillé de noir, Christopher Lee se délecte en interprétant ce précieux personnage, hommage au CAVALIER NOIR tourné l’année précédente par Roy Ward Baker qui mettait en vedette un homosexuel. Par ailleurs, Sangster glisse ici son habituel anticléricalisme en faisant du patriarche, divinement joué par Andrew Keir, un pseudo-philanthrope qui se drape constamment dans la religion pour mieux dissimuler au reste de la communauté son matérialisme forcené et son avarice. Il est même prêt à laisser massacrer tout le village pour protéger son trésor. A noter, dans les seconds rôles, un Oliver Reed au regard bleu azur et au coup de poing facile. Quant à Kerwin Matthews, il est vaillant et bondissant, son intégrité finira bien évidemment par triompher même si cela ne se fera pas sans heurts et autres cruautés. THE PIRATES OF BLOOD RIVER est même sacrément gore pour l’époque, tout cela grâce à un scénario qui évite les pièges de l’angélisme et du manichéisme. En bref, un divertissement de haute tenue au charme indéniable, et sans vouloir être passéiste, bien plus agréable à regarder que de récentes grosses machineries hollywoodiennes pleines d’esbroufe et d’acteur pirate en roue libre !!!


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- Article rédigé par : Jérôme Pottier

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