Un texte signé Vincent Trajan

Italie - 1983 - Pupi Avati
Interprètes : Gabriele Lavia, Anne Canovas, Paola Tanziani, Cesare Barbetti

Dossierretrospective

Zeder

Au début des 80’s, le cinéma de genre italien a le vent en poupe au détour de séries B horrifiques nerveuses, totalement décomplexées et parfois même malsaines (CANNIBAL HOLOCAUST, CANNIBAL FEROX…). Parmi les nombreuses sorties où la surenchère côtoie souvent l’outrance, le thème des zombies s’est peu à peu développé pour prendre une ampleur considérable (FRAYEUR, ZOMBI 2, LA NUIT FANTASTIQUE DES LMORTS VIVANTS, DEMAIN L’APOCALYPSE, LA MAISON PRES DU CIMETIERRE etc.) avec un point commun : le gore.
Pourtant en 1983, un réalisateur, Pupi Avati va se détacher de la masse avec ZEDER et sortir du cadre “normal” de l’époque en axant son film de morts-vivants sous le prisme de vision thriller / horreur…
Stefano (Gabriele Lavia), un jeune écrivain en panne d’inspiration découvre par hasard que la vieille machine à écrire qui vient de lui être offerte par sa femme Alessandra (Anne Canovas) renferme en elle les noirs secrets du scientifique Paolo Zeder. Stefano va alors plonger dans l’existence de cet individu qui avait découvert dans les années 50 que certains morts pouvaient ressusciter dès lors qu’ils sont enterrés dans des lieux précis…
Avec son parti pris délibéré de ne pas tomber dans la surenchère de violence et du gore qui était si ancrée dans la quasi-totalité des bobines consacrées aux zombies tournée dans les 80’s (ZOMBI 2, ZOMBIE HOLOCAUST ou L’AVION DE L’APOCALYPSE, par exemple), Pupi Avati va développer une trame artistique très personnelle qui fera appel plus au giallo, au thriller, au fantastique et au genre policier qu’à l’horreur pur et dure.
De fait, ZEDER embarque le spectateur dans l’enquête de Stefano et le pousse peu à peu dans les abîmes de la terreur au fur et à mesure que le romancier en herbe découvre la vérité sur la possibilité de faire revivre les morts au travers des “zones K” (le SIMETIERRE de Stephen King écrit la même année ne semble pas si loin de l’univers de ZEDER, notamment dans sa scène finale…).Et s’il est clair que le film de Pupi Avati n’est pas aussi violent que ses pairs des 80’s (ZOMBI 2 ou VIRUS CANNIBALE, par exemple), le film n’en reste pas moins dérangeant dans la mesure où la plupart des attaques de zombies se passent hors champs, laissant l’imagination du spectateur faire le reste. Et même si les morts-vivants sont assez rares à l’écran, l’atmosphère pesante mise en place par le réalisateur italien au travers du scenario écrit par lui-même et Maurizio Costanzo (ils avaient déjà travaillé ensemble sur BORDELLA, LA MAISON AUX FENÊTRES QUI RIENT, TUTTI DEFUNTI… TRANNE I MORTI, JAZZ BAND et CINEMA !!! avant ZEDER) fera en sorte de les rendre omniprésents au travers de l’enquête de Stefano et d’Alessandra.
Il faut dire aussi que le score de feu Riz Ortolani – récemment décédé en janvier 2014 – colle parfaitement aux ambiances macabres du film tout en lui donnant des effets gothiques très marqués et bien sentis. De son côté, Franco Delli Colli le directeur de la photographie calque parfaitement son travail dans les compositions visuelles soignées de Pupi Avati (notamment la mise en avant de l’architecture du building désaffecté), qui ne sont pas sans rappeler Fellini, une des influences majeures du metteur en scène.
Paradoxalement, le fait qu’Avati soit quasi novice dans la réalisation de films de genre (mis à part ZEDER, il n’a mis en boîte qu’un seul autre métrage d’horreur, BALSAMUS L’HOMME DE SATAN en 1968), lui permet de tirer son épingle du jeu et de dévoiler des trames artistiques plus personnelles, notamment en piochant allègrement dans son propre univers les thèmes qui lui sont chers comme le giallo (on se souvient de son propre film, LA MAISON AUX FENÊTRES QUI RIENT de 1976), les thèses conspirationnistes en vogue dans les 80’s ou bien les enquêtes policières plus classiques (TUTTI DEFUNTI… TRANNE I MORTI en 1977).
En définitive, 30 ans après sa sortie, ZEDER reste donc toujours aussi intriguant et son aura macabre n’a pas pris une seule ride !
En effet, la bobine s’avère être un excellent film horrifique italien des 80’s à la personnalité bien trempée qui trouve parfaitement sa place dehors des sentiers battus des pellicules tape-à-l’œil de l’époque. Pupi Avati signe ici une œuvre forte, complexe et ô combien riche avec une ambiance pesante que n’aurait pas reniée H.P. Lovecraft. Il est même fort à parier que Mary Lambert s’est beaucoup imprégné de ce film pour son adaptation de SIMETIERRE de Stephen King tant les similitudes sont légion…


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- Article rédigé par : Vincent Trajan

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